Broder
Comme le peintre, la brodeuse ajoute de la matière. Elle jongle avec les couleurs, les matériaux, fils, papiers, laines, rubans de soie, fils d’or, perles. Elle prépare ses encres, teint ses rubans, ses tissus. Tente de dénicher le tissu qui va bien, l’ancien, le rare, le délicat, le bizarre. Récupère dans un buffet du grenier une mousseline de Tarare. Petits trésors de famille.
J’ai commencé à broder au moment où ma vie sociale et personnelle est devenue plus remplie. Des amis, plus de sorties, un amoureux sous le même toit. Enrichissant. C’est arrivé comme un besoin de retrouver les phases de solitude que j’avais pu connaître et aimer. Retrouver de longs moments silencieux. Le calme essentiel à la paix de l’esprit. Recueillement émotionnel. Et dans ses circonstances, ma mère m’a mis entre les mains, de façon fortuite, une belle quantité de rubans achetés par erreur. C’est par cette heureuse transmission que j’ai commencé, avec les quelques aiguilles que j’avais, à essayer de raconter le monde.
Et chemin faisant, on se rend compte, que broder c’est refuser. Broder, c’est se placer dans une posture de parfaite opposition avec son temps. En tout cas de ce qu’on nous propose. On est entouré de machines qui font les choses à notre place, vite et bien en plus. Alors s’assoir à son métier, piquer l’aiguille, la ressortir, des milliers de fois, c’est un peu narguer la machine et ceux qui la conçoivent et prendre le risque de laisser s’échapper le temps.
Cette installation parle du travail de la brodeuse, de son environnement, du combat et à la fois du repos que cela représente. Une activité vécue et pratiquée comme une croyance qui, on l’espère, apportera chance et bonheur à ceux qui la pratiquent, l’approchent, la regardent.
Chloé Fournier
Installation créée à l'occasion du salon Lyon Art Prospect. 2018, Palais de Bondy.
Broderie, broderie au ruban, grigris et trophée.